Faire de l’ESS un levier politique : l’engagement lucide de Jessy Anger-Robert (MOUVESS)
Jessy Anger-Robert défend une ESS plus politique, plus assumée, capable de transformer le réel depuis les marges du pouvoir.
Philippe Mettoux est directeur juridique du groupe SNCF depuis 2013, après une carrière au parquet, et au Conseil d’État.
"Si on n’a pas envie d’aller travailler le matin, c’est qu’il faut changer de vie."
Ancien procureur, conseiller d’État et directeur juridique du groupe SNCF depuis 2013, Philippe Mettoux est un juriste de l’ombre, mais aux manettes. Dans cet épisode d’Hémicycle, il partage avec sobriété et clarté ce que signifie faire du droit — non pas seulement comme un outil de conformité, mais comme une force d’impact, dans une entreprise publique aussi emblématique que stratégique.
Formé à la magistrature, il découvre très jeune — 34 ans à peine — les réalités de terrain en tant que procureur : assassinats, catastrophes, victimes. Puis les coulisses du pouvoir : Justice, Intérieur, Matignon. Au fil de ce parcours au service de l’État, une constante émerge : réparer, organiser, et faire tenir ensemble.
Quand il arrive à la SNCF, Philippe Mettoux découvre une autre arène, celle du droit appliqué à l’économie réelle, mais avec le même niveau d’exigence — et d'engagement public.
"On est passé d’un établissement public à une société anonyme. Et une société anonyme peut faire faillite."
Son quotidien ? C’est tout sauf routinier. Crises, contentieux, contrats, stratégie, sécurité, intelligence artificielle... Tout passe par le droit. Et chez lui, la compétence prime sur l’ancienneté.
Un juriste de 25 ans peut piloter un dossier stratégique s’il est le plus qualifié. C’est ce qu’il appelle « la méritocratie du savoir » — un modèle qui séduit, visiblement : 91 % de taux d’engagement dans son équipe, contre 14 % en moyenne nationale.
"Chez nous, celui qui sait, décide."
La direction juridique de la SNCF n’est pas qu’un rempart. C’est aussi un levier d’influence. Quand un ministre, comme Jean-Baptiste Djebbari ou Clément Beaune, souhaite faire évoluer la loi, la SNCF peut suggérer, documenter, aiguiller. Comme pour renforcer les pouvoirs des agents de sécurité ferroviaire.
Mais le droit est aussi une arme économique. Et à ce jeu, les États-Unis ont une longueur d’avance. Là où le General Counsel est n°2 des entreprises, en France, la culture juridique reste secondaire. Erreur stratégique, selon lui.
"Le droit n’est pas un empêcheur. C’est un accélérateur, s’il est bien utilisé."
Avec plus d’un million d’attaques cyber par jour (jusqu’à 5 millions pendant les JO), la SNCF est en première ligne. C’est pour cela qu’elle a créé son propre outil IA en interne, basé sur un LLM en vase clos, bientôt enrichi grâce à un partenariat avec Mistral AI.
L’objectif : gagner du temps, pas remplacer l’humain. Et surtout, ne pas compromettre la confidentialité.
"L’IA, c’est comme la voiture : ça libère, mais ça peut tuer. Il faut des garde-fous."
Le dernier livre du maître japonais, entre réel et irréel, incarne bien l’esprit du droit selon Philippe Mettoux : rigoureux, mais ouvert à l’ambigu. Rationnel, mais attentif aux signes. Et toujours, profondément humain.